Il faut être courageux pour intituler un livre : « Et si l’Afrique refuse le développement ? »
Quoi ? Les africains auraient donc décidé de stagner ?
En tous cas c’est bien la réflexion que développe la camerounaise Axelle Kabou dans cet ouvrage publié en 1991.
Dès les premières lignes du livre, le ton est donné. Il ne s’agit pas pour l’auteure de faire plaisir à qui que ce soit en usant de diplomatie. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas optimiste. L’ Afrique, écrit Axelle Kabou, est « une sorte de cul de sac de terminus, de voie de garage où aucun espoir de mobilité ascendante n’est permis. » P. 14
Et surtout qu’on ne se laisse pas avoir par les reportages des médias qui montrent une Afrique qui bouge. Il s’agit pour ces médias « de créer l’illusion du développement en saturant le lecteur de comptes rendus divers sur les poses de premières pierres, les inaugurations de cases de santé rurales, etc. » P. 17
Maintenant, revenons à la notion du refus du développement. Elle peut en effet paraître paradoxale. C’est comme si on disait d’un croyant qu’il refusait le paradis !
Or, c’est par leurs mentalités que les Africains refusent le développement. Je vais en énumérer quelques-unes.
Il s’agit d’abord de comportements propres aux Africains. Axelle Kabou décrit par exemple l’Afrique comme « une grande gaspilleuse de temps, d’argent, de talents et d’énergie. »
D’autres mentalités sont nées de la rencontre entre l’homme noir et l’homme blanc.
L’esclavage et ensuite la colonisation ont fait des Africains, des personnes complexées. Le noir se considère inférieur au blanc. C’est le vendredisme. (Lisez : Robinson Crusoë de Daniel Defoe.)
Il y a un autre complexe, et c’est au niveau technologique. Convaincu, que l’homme noir n’a rien inventé, ni rien crée, les africains considèrent la technique comme la chose des blancs. ..
Les Africains revendiquent la fierté de l’homme noir. Ils voudraient que l’Afrique se développe en tenant compte de ses réalités socioculturelles : ils perçoivent alors l’Occident comme une menace. C’est ce qu’Axelle Kabou appelle le particularisme : qui évoque pour l’Africain le droit à la différence.
Il en résulte que les Africains ne profitent pas de la technologie que leur apporte la rencontre avec le monde occidental. Cela donne plutôt lieu à des réflexions du genre : « Je suis noir. Le noir na pas inventé l’ordinateur. L’ordinateur est donc anti-africain. » P. 93
Incapables de trouver des solutions au sous-développement de leur continent, les africains considèrent que les occidentaux ont le devoir de les aider. Ils disent donc souvent : « Nous sommes des victimes de la colonisation donc les occidentaux doivent nous dédommager ». P.93
Je nommerai une dernière mentalité africaine qui est un refus du développement. Axelle Kabou en parle dans la troisième du livre.
Il s’agit de l’incapacité des Africains à s’unir. Il y a un racisme entre les africains qui font qu’ils ne pourront jamais créer un État continental. Beaucoup d’Africains se disent aussi que sur aucun continent, une telle forme d’unité n’a été mise au point. Cela revient à dire que pour les Africains, ce qui n’a pas été fait par les occidentaux ne peut l’être chez eux.
En résumé, le sous-développement de l’Afrique est dû aux mentalités et aux cultures africaines.
L’ Afrique doit être décomplexée face à son passé et saisir enfin sa rencontre avec l’occident comme une chance de développement.
J’ai aimé ce livre dont le titre ne me plaisait pas au début. Le style est très soutenu signe du grand niveau intellectuel de l’auteure. Le raisonnement est cohérent, le texte bien documenté ; en témoigne l’abondance de citations et de notes de bas de pages.
Le ton est assuré, les propos assumés.
Quant à ceux qui verront en ce le livre l’expression d’un afro-pessimisme béat, l’auteur répond calmement : « ce livre est bien celui d’une génération objectivement privée d’avenir qui tout intérêt à travailler à l’effondrement des nationalismes étroits des indépendances et à l’avènement d’une Afrique large, forte et digne ». P. 14
Près de vingt cinq ans après sa publication, ce livre reste polémique. Il divise les pessimistes et les optimistes du développement africain.
Personnellement, je me demande si rien n’a changé depuis. En d’autres termes : les Africains refusent –ils toujours le développement ? Chacun y réfléchira.
Mais ce livre a le mérite d’apporter de nouvelles explications aux causes du sous-développement en Afrique. Et j’en recommande vivement la lecture.
Quelques citations tirées du livre
« Les africains sont persuadés d’être totalement étrangers à l’histoire contemporaine du monde. De n’être ici et maintenant que par un pur accident historique. » P.12
« Il n’y a pas à proprement parler de divorce entre la classe politique africaine et les Africains alphabétisés, dans la mesure où il est toujours plus urgent pour ces derniers de défendre « l’africanité », quitte à en crever, que de combattre les attitudes préjudiciables aux africains eux même. » P.126
« L’Afrique se leurre du reste en croyant qu’elle pourra « conserver » durablement ses valeurs de civilisation par la technique du repli des mentalités sur elles-mêmes. » PP. 164-165
« C’est la fin d’une époque : la fête est finie. Il va falloir non seulement se mettre au travail, mais apprendre à se débarrasser du tribalisme économique, établir un ordre social cohérent. » P.204
Je puis dire depuis cet écrit que l’Afrique va commencer par bouger sinon qu’elle bouge déjà.
je fais ici allusion à la prise de conscience des africains à se débarrasser des dictateurs,j’ajoute en témoignage au fait les rassemblements observé y a un an et plus des les pays arabophones pour clamer l’État de Droit ou la Démocratie: l’Égypte, la Tunisie et bien d’autres.le cas du Burkina ne fait pas exception.C’est ainsi que l’Afrique bouge .Et mieux encore Jean Michel SEVERINA l’ancien patron de l’Agence Française de Développement un auteur analyste économiste français a dit son essai » le Temps de l’Afrique (cf le n°0473 du journal l’Économiste paru hier) que l’Afrique aura d’ici les années 2040 un PIB égal à celui de la Chine actuelle soit 7 690 milliards d’euros. Ce n’est pas loin et il a fallu que les auteurs comme Axelle suscite des réflexions sur l’économie africaine.
Autant les mayas asiatiques pour européens descendent y investir comme l’Afrique porte l’espérance de demain.
Elle a donc accepté le développement…
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