Kondo, le requin / Jean Pliya

Kondo, le requin / Jean Pliya

Image e couverture. Kondo le requin

Avant propos

Jean Pliya s’est éteint le 14 mai 2015. Un deuil pour le peuple béninois et le monde littéraire africain. De nombreux témoignages comme ceux de jeunes écrivains ou encore celui de la bloggeuse à succès Mylène Flicka , montrent l’attachement des béninois à cet homme hors du commun.

Il n’est plus. Ses livres sont. Il demeure.

Kondo le requin un classique de la littérature négro-africaine.

De la riche et diversifiée bibliographie de Jean Pliya, Kondo le requin est mon livre  préféré. Le livre met en scène la résistance anticoloniale du roi Béhanzin.

Kondo le requin, drame en trois actes.

Je veux croire que vous connaissez un peu l’histoire de Béhanzin, dans le cas, contraire, je vous suggère : Le roi Béhanzin : du Dahomey à la Martinique, Patrice Louis. Vous pouvez aussi rapidement faire un tour chez l’incontournable Monsieur Google !

Le livre en résumé.

Le livre s’ouvre sur une audience que le prince Kondo accorde à deux colons français : Bayol et Beraud.  Dès cette première entrevue, il donne le ton. Il n’est pas question de laisser une portion du territoire Dahoméen entre les mains des Français. Ces étrangers ne doivent pas non plus s’immiscer dans les coutumes de son royaume.

Glélé meurt et Béhanzin accède au trône. Il affiche la même détermination envers les français qui veulent selon lui , abuser des traités de paix que son père a signés, pour s’emparer du Dahomey.

Béhanzin est obligé de prendre les armes pour défendre son royaume.  Apres avoir longtemps résisté avec ses troupes dont les fameuses amazones, contre l’envahisseur, il se rend de son propre gré pour mettre fin aux souffrances des siens, non sans avoir délivré ce qui est aujourd’hui appelé le discours d’adieux de Béhanzin…

A la lumière du livre, voici quelques aspects que je retiens du roi.

Un défenseur de son territoire

« Au nom de quoi, de qui, un étranger ose-t-il parler aux descendants de Houégbadja de droits sur le Danhomè ? Sous prétexte de commerce, vous en voulez donc à nos terres ? Je ne puis en entendre davantage ». P 18

« Tout de même. C’en est trop. Donnez-moi ce fusil que j’apprenne aux français comment sait riposter Gbêhanzin». p85

Et de ses coutumes, de son patrimoine

C’est par respect de la tradition qu’à son intronisation, quarante et un  jeunes gens et quarante et une jeunes filles sont sacrifiés pour dire le faste de faste de l’intronisation !

C’est pour préserver le patrimoine du Dahomey qu’il fait bruler son palais quand l’approche des troupes françaises le contraint à le quitter.

« Que faire si Abomey tombe entre leurs mains ? Et le palais ? Et ses richesses ? Et les tombeaux de mes ancêtres ? Les mains impures des blancs vont-elles souiller les reliques sacrées ? 

Tout bien pesé, je mettrai le feu au grand palais de Singbodji ». p 84-85

Mais, il n’a pas respecté la volonté des dieux

En effet, par la voix du devin, les dieux se sont opposés à la guerre contre les français. Mais le roi n’en a pas tenu compte.

Aurait-il dû ?  Heu … Vive Béhanzin, le résistant !

Kondo le requin fait partie des livres que je recommande systématiquement aux usagers de ma bibliothèque ainsi qu’à mes  amis. Le genre littéraire me parait très adapté : il s’agit d’une pièce théâtrale. Les personnages sont sur scène.  Le narrateur est absent. Le lecteur est spectateur direct.

Le livre est en français mais l’auteur a su l’imprégner de ‘’ fon’’, langue parlée à la cour royale d’Abomey.

Je l’ai lu, je le lis, je le lirai !

Je vous propose maintenant  de lire le Discours d’adieu de Béhanzin, extrait du livre.

« Compagnons d’infortune, derniers amis fidèles, vous savez dans quelles circonstances, lorsque les Français vinrent accaparer la terre de nos aïeux, nous avons décidé de lutter.

Nos combattants s’étaient levés par milliers pour défendre le Danhomè et son Roi.

Avec fierté, l’on reconnaissait en eux la même bravoure qu’avaient manifesté les guerriers d’Agadja, de Tegbessou, de Guézo et de Glèlè. Dans toutes les batailles, j’étais à leurs côtés, et nous avions la certitude de marcher à la victoire. Cependant, malgré la justesse de notre cause et leur vaillance, nos troupes compactes furent décimées.

Et maintenant, ma voix éplorée n’éveille plus d’écho.

Où sont-elles, les ardentes amazones qu’enflammaient une sainte colère ?

Où, leurs chefs indomptables : Goundémè, Yéwè, Kétungan ?

Où sont mes valeureux compagnons d’armes ?

Où, leurs robustes capitaines : Godogbé, Chachabloukou et Godjila ?

Qui chantera leurs héroïques sacrifices ? Qui dira leur générosité ?

Hardis guerriers, de votre sang vous avez scellé le pacte de la suprême fidélité.

Oserais-je me présenter devant vous si je signais le papier du général ?

Je ne veux pas qu’aux portes du pays des morts le douanier trouve des souillures à mes pieds.

Quand je vous reverrai, je veux que mon ventre s’ouvre à la joie.

C’est pourquoi à mon destin je ne tournerai plus le dos. Je ferai face et je marcherai. Car la plus belle victoire ne se remporte pas sur une armée ennemie ou des adversaires condamnés au silence du cachot. Est vraiment victorieux, l’homme resté seul, qui continue de lutter dans son cœur.

A présent, qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur la terre ?

Qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur la terre ?

Advienne de moi ce qu’il plaira à Dieu !

Partez ! Vous aussi, derniers amis vivants.

Rejoignez Abomey où les nouveaux maîtres promettent douce alliance, vie sauve et, paraît-il, la liberté.

Là-bas, on dit que déjà renaît la joie.

Là-bas, on prétend que les blancs vous seront favorables comme la pluie qui drape les flamboyants de velours rouge, ou le soleil qui dore la barbe soyeuse des épis.

Compagnons disparus, héros inconnus d’une tragique épopée, voici l’offrande du souvenir, un peu d’huile, un peu de farine et du sang de taureau.

Voici le pacte renouvelé avant le grand départ.

Adieu, soldats, adieu ! » In Kondo, le requin, Jean Pliya. éd. Clé, Yaoudé 2010. pp 103-105.

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