Toute ma vie sera mensonge, d’Henri Troyat lu par Jovincio Kpehounsi, gourmet et gourmand de livres…

Toute ma vie sera mensonge, d’Henri Troyat lu par Jovincio Kpehounsi, gourmet et gourmand de livres…

 J’ai demandé à des écrivains et acteurs du livre de nous parler de leurs lectures. Plus on est de fous, on lit. Et les saveurs livresques sont plus voluptueuses quand elles sont partagées. Voici donc << Toute ma vie sera mensonge >> d’Henri Troyat lu par l’ami Jovincio Kpehounsi, un  gourmet doublé d’un gourmand de livres. Il se présente à la fin de sa note de lecture.


toute ma vie ne sera quun mensonge

Là-bas, dans le passé, en cette année inutilement belliqueuse de 1943, la France est assiégée et deux enfants dînent dans le restaurant tenu par leurs parents. Vous n’avez pas idée de ce que cela signifie, un restaurant, là-bas, dans le passé, dans la France occupée. Les allemands font la guerre à tout le monde. La faim fait la guerre aux Allemands. Les Allemands, avec leurs bottes, leur moustache et leur langue viennent manger au restaurant la Poivrière. Les Français, vous devinez bien, les Français n’y viennent pas. Il faut de l’argent pour aller au restaurant et un chou, croyez- moi, ça pouvait couter de gros sous. Alors vous imaginez un diner dans un restaurant ! Et aller dans ce restaurant, c’est aller manger dans le même lieu que les allemands, comme si on se donnait un rendez-vous hypocrite avec l’ennemi. Mais bon ça c’est la trame de l’histoire. Mais il faut dire quand même que le restaurant est dirigé en réalité par la belle-mère de Vincent, le Héros de cette histoire, l’adolescent un peu fou qui raconte les faits et qui nous oblige à qualifier ce récit d’homodiégétique.

La belle-mère s’appelle Constance ; la sœur de Vincent, de quatre ans son aîné s’appelle Valérie. Voilà, la présentation des personnages est faite. A Mireille près. Mireille c’est la jeune fille un peu laide comme on l’est quand il y a Valérie dans les parages. Parce que Valérie, c’est une beauté, qui a dit de Mireille qu’elle est une tarte, qu’elle a l’air d’une brebis aux gros yeux étonnés. Cet avis de Valérie bouleversera profondément le pauvre Vincent qui avait quelques vagues projets d’amour pour Mireille.

Valérie aime jusqu’à en mourir Hervé, un autre fou qui fait de la Résistance, qui croit en une France forte. Passionnée de théâtre, assoiffée de liberté, elle dévore tout ce que l’Occupation peut lui laisser de bonheur. Vincent ressent une vague jalousie face à cet amour qui lui arrache un peu sa sœur. Le jeune résistant s’expose de plus en plus, il frôle de près les rafles, Valérie pleure, joue au théâtre. Les parents se font de l’économie et des ennemis dans une France où l’on ne mange pas à sa faim et où ils ont l’indécence de vendre de la nourriture à l’occupant. Vincent vit de son côté, va au collège où de temps en temps un espiègle vient dessiner sur le visage héroïque de Pétain la moustache d’Hitler. Quand les parents de Vincent décident de quitter Paris où les bombardements se répètent, le jeune adolescent refuse de les suivre. Il va habiter chez sa sœur.

Hervé est un militant convaincu que Valérie aime, que Vincent hait et que les allemands recherchent. Plusieurs fois, ils sont venus taper à la porte, pour demander des informations sur le résistant. Chaque jour est plus gris. Hervé aime la France plus que jamais. Valérie vit son amour tragique avec passion et désespérance. Un jour, alors que Valérie est sortie pour faire quelques courses, deux hommes à casquette viennent à la maison. Ils forcent Vincent à leur donner l’adresse d’Hervé. Le pauvre adolescent ne saura jamais s’il a donné l’adresse de plein gré pour se venger de ce semi-rival qui compte plus que lui aux yeux de sa sœur ou s’il avait vraiment été forcé. Ne sachant que dire à sa sœur, Vincent garde le silence sur son terrible secret pendant que Valérie s’inquiète de ne plus avoir des nouvelles de son amoureux. Bien vite Valérie apprend qu’on a arrêté Hervé, sans bien sûr faire le lien avec notre héros. Elle désespère, tente par tous les moyens de retrouver Hervé. Fidèle en amour, elle l’est jusqu’aux limites des personnages de Racines dont elle joue les pièces.

Pendant ce temps, la pression d’eau diminue dans les robinets, l’électricité se raréfie, le gaz est coupé. Comme le dit Paul Eluard, Paris a faim, Paris a soif. Jetée à corps perdu dans la résistance en essayant de retrouver Hervé, Valérie se compromet de plus en plus. Un jour, elle est arrêtée alors qu’elle transporte des brochures clandestines. C’est Vincent qui se met à sa recherche maintenant. Pour longtemps. Pour le même résultat que les recherches de Valérie pour retrouver Hervé avaient donné : rien. De longs et terribles mois passent. Paris est sous les rafles et les rafales. Vincent se dégoûte de tout dans cette ville et dans cette vie. Il n’a que ces anciens amis, Mireille avec qui il a gardé beaucoup de distance et un peu de proximité et Fénardieu le frère de Mireille. Vincent a oublié toute sa passion d’antan pour la poésie. Le 29 avril 1945, les soldats américains découvrent Valérie, morte à moitié, squelette vivant qu’on espéra sauver par des soins empressés. On ne la sauva point. Elle mourut de fatigue dans le train qui la ramenait.

Sa famille lui fit un deuil raisonnable, son père pleura. Vincent abandonna les études et se fit employé à la Poivrière. Constance mourra peu après d’un cancer. Vincent prend la tête du Restaurant avec l’aide de son épouse, cette improbable Mireille que le lecteur ne le lui aurait pas promis. Vincent ne dira ni à Mireille, ni à personne qu’il a donné l’adresse d’Hervé. C’est un mensonge avec lequel il vit pour toujours, un mensonge enveloppé de deux cadavres.

Jovincio Kpehounsi


Qui est Jovincio?

«  Né un jour de l’an 1988, j’ai gardé de ce jour le droit à un destin tourmenté. J’ai fait le séminaire avec la farouche envie de devenir prêtre. Mais même pendant la guerre les plus farouches désertent. Mon envie a déserté et je l’ai suivie. Mon envie a quitté le séminaire et moi avec elle. J’ai fait alors  l’Administration du travail puis la Gestion des Ressources Humaines à l’Ecole Nationale d’Administration. J’aime les lettres et je hais les chiffres (sauf ceux de mon compte en banque). J’écris quelques poèmes que je ne publierai pas. Je mourrai un jour de pluie comme je l’espère après avoir publié cent livres.  »

 

 

 

15 réflexions sur “Toute ma vie sera mensonge, d’Henri Troyat lu par Jovincio Kpehounsi, gourmet et gourmand de livres…

    1. J’ai eu la même réaction. Jovincio, on lui demande d ‘ écrire une note de lecture et il s’y prend en artiste. Oui, cette note de lecture magnifie de fort belle manière « Toute ma vie sera mensonge »
      C’est la vérité !😀

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  1. Très belle plume !
    Mes très chers amoureux des Lettres, de Belles Lettres, c’est mon tout premier voyage dans ce blog et j’avoue que je trouve vraiment intéressant ce voyage dans le monde des immortels, votre univers.
    Un grand merci à mon très cher Eurydoce Désiré Godonou, l’ouvrier des mots !!

    Mes mots. . .

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  2. Merci à Jovincio KPEHOUNSI pour cette belle note de lecture. L’originalité de la démarche jointe à la beauté du style, tout cela porte à lire ce livre. J’ai juste peur que le titre de l’œuvre si brillamment présentée ne soit pour le lecteur une prophétie…
    Merci aussi à l’ami des montagnes où coule le Tchoukoutou, pour cette opportunité qu’il offre aux amis du livres de s’exprimer sur ce blog depuis toujours nôtre. En attente d’un autre passage du biographe de Jimmy-Salan…

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    1. Merci pour votre passage, Destin. Merci aussi d’avoir pris le temps de laisser un commentaire. C’est toujours un plaisir de vous voir à la table des saveurs livresques.

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    1. Merci cher ami. Je ne promets pas de ne pas te demander de revenir très bientôt nous faire goûter encore aux saveurs de ta plume. Comme le dit un proverbe culinaire, « On ne change pas une sauce qui cartonne ».

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  3. Il a du talent, Jovincio. c’est à croire que c’est lui qui a dicté son inspiration à l’auteur du livre. Résumé clair, style suave. Ouf! c’est la classe. Félicitation à « Saveurs Livresques » pour avoir réussi à le dénicher. Nous avons hâte de le lire dans d’autres comptes rendus de lecture

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