La série des notes de lectures faites par des écrivains et acteurs du livre se poursuit. Béninoise vivant en France, Yèmissi Fadé est écrivaine et blogueuse. Elle reste très attachée à son pays. Avec elle, découvrons Rapatriés , premier roman de Néhémy Pierre-DAHOMEY.
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*** J’ai eu l’immense plaisir de découvrir « Rapatriés », premier roman de Néhémy Pierre-DAHOMEY, auteur haïtien de 31 ans, à la plume enchanteresse. Le titre du roman autant que le nom de l’auteur (ancien nom de mon honorable pays) ont attisé mon appétit livresque. J’aurai en plus, l’honneur de le rencontrer bientôt dans ma ville car il sera en résidence d’écriture pendant un trimestre. J’espère pouvoir lui poser beaucoup de questions***
Belliqueuse Louissaint a un rêve, un seul, partir loin d’Haïti, aller vers la terre promise, les Etats-Unis. Prototype d’une de ces amazones de l’ancien Dahomey, une réincarnation peut-être, sa forte personnalité et ses convictions font penser qu’elle porte bien son prénom. Ainsi, se faire embarquer par Agwéton, petite embarcation de Frère Fanon, plutôt petit caboteur que grand capitaine des mers est pour elle une réelle hantise.
Comme pour beaucoup, l’appel surréaliste de l’aventure, la fuite de la précarité et de la routine poussèrent Belli à entreprendre un premier voyage clandestin à l’automne mil neuf cent quatre vingt sept à destination des plages de la Floride. Le voilier artisanal de frère Fanon chargeait régulièrement hommes et femmes, des rêves à la pelle et des sacs de charbon pour tromper la vigilance des îles bahamiennes puis voguait contre vents et marrées pour le plus grand bonheur des aventuriers ; Ces allers-retours clandestins ont valu à Frère Fanon sa renommée dans la localité, lui qui réussit à toucher la terre de Floride et à le peupler de quelques dizaines de migrants haïtiens.
Seulement voilà, « le capitaine » s’il faut ainsi le nommer prenait de l’âge et ce voyage était le dernier. Il avait déjà pris trop de risques pour le bonheur des autres. Dans la ville, les rumeurs allaient bon train, il ne fallait pas rater le voyage de la dernière chance. Beaucoup ne se voyaient pas en marge de cette dernière virée. Le jour J, Agwéton fut assaillie par une meute de candidats désepérés que le capitaine eut du mal à refouler…
Trois jours plus tard, Agwéton tanguait et ne répondait plus de rien face aux vents contraires et aux vagues. On pouvait nager pépère dans la coque…Aux cris des femmes se mêlaient les incantations des hommes ; et dans cette tourmente, Belli fut prise d’une crampe dorsale après une bousculade. Tandis que Frère Fanon hurlait des consignes à des matelots qu’il n’avait pas, tentait de circuler, de secourir et de rassurer, Belli qui s’accrochait à un petit bout du mât, comprit qu’elle et son enfant ne survivraient pas. Et, le sortant de la couverture qui le protégeait jusque là, elle trébucha et n’eut d’autre choix que d’offrir l’innocence de ce jeune être à la marée, conservant la couverture humide…Aussitôt la mer se calma, macabre ironie d’un sacrifice involontaire.
Après ce naufrage raté, Belli n’était plus que l’ombre d’elle-même. Le spectre de son enfant jeté à la mer ne la quittait plus. Les survivants de ce naufrage furent reclassés par l’Etat dans un nouveau quartier dénommé « Rapatriés », spécialement créé pour eux et eux seuls . Une cure ? Un lieu de dépaysement pour se sentir vivant et utile aux siens ? Toujours est-il que Belli, était désormais déterminée à aller mieux et à fonder une famille stable avec Sobner alias nènè, le père de ses enfants, plus jeune que lui, dont les trois passions se résumaient à alcool, femmes et son travail de menuisier.
Mais Hélas ! Les conditions de vie dans ce lotissement, la piteuse vie de son mari irresponsable et infidèle, la mort d’une de ses filles poussèrent Belli à faire adopter ses deux autres filles Bélial et Luciole. Par là Belli réalisa partiellement enfin son rêve, ses filles ne connaîtront pas la misère d’Haïti, ni les tremblements de terre, ni les immondices puantes qui entourent les habitations. Par cet acte, sa vengeance est assouvie.
Bélial grandira en France, adoptée par une ancienne employée d’ONG, la petite Luciole partira pour l’Amérique du Nord…Mais pour Belli, ce n’était pas tout à fait la fin du rêve, son espoir repose sur le retour probable d’une de ses filles qui la ferait traverser enfin dignement les frontières d’Haïti…Pauline, ne pouvait pas non plus priver sa fille Bélial de rencontrer sa vraie mère. Les démarches administratives furent entamées. Mais le visa d’entrée sur le sol français fut refusé à Belli qui sombra quelques temps après dans une folie passagère. Lorsque Bélial, l’enfant mystérieuse aux yeux bleus refoula la terre d’Haïti, elle était adolescente, mais sa mère n’eut pas la chance d’apprécier ce qu’était devenu le fruit de ses entrailles. Il a fallu des mois avant de retrouver Belli presque mourante, en plein délire. Des efforts furent déployés pour l’empêcher de partir pour toujours vers l’inconnu, mais une chose est certaine, ce voyage, le dernier ne fut pas avorté et cette fois, elle seule connaît la destination.
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Eliane CHEGNIMONHAN connue sous Yèmissi Fadé, Chargée de communication, poète les jours de gloire, de joies et de peines. Mes larmes ainsi que celles des opprimés de la terre constituent mon encre, mes soupirs ne durent pas longtemps, car ils balaient sur leur passage mauvaises expériences et mauvaises gens pour laisser place à la candeur, la beauté et l’extase qu’est la joie de vivre. Auteure de « Vivre et Vaincre », recueil de poèmes et de « Impudiques », recueil de nouvelles, je suis blogueuse cuisine Béninoise et promotrice de Talents du Bénin, une initiative qui prend corps pour mieux faire connaître les talentueuses âmes du Bénin tant anciennes qu’actuelles.
Beau compte rendu. De Fatou Diome avec « Le ventre de l’Atlantique » à Jean-Baptiste « Sourou Chronique d’un été glacial » en passant par Néhémy Pierre-DAHOMEY in « Rapatriés » une même tragédie est relatée. Au cœur de cette tragédie liée au phénomène de l’immigration, le sort du Noir qui ne pense s’accomplir que sur le sol européen ou américain. Les naufrages ne découragent personne. Lampedusa est déjà un vieux souvenir? Ceuta n’effraie plus les candidats à l’immigration qui empruntent les moyens aussi délicats que ceux dont il est question dans « Rapatriés ». Loin de blâmer les migrants, nous devrions peut-être nous demander ce que la patrie mère offre de meilleur à ses fils afin de les retenir sur son sol. La finale du résumé de Yémissi FADE est assez émouvante, flippante même : « Des efforts furent déployés pour l’empêcher de partir pour toujours vers l’inconnu, mais une chose est certaine, ce voyage, le dernier ne fut pas avorté et cette fois, elle seule connaît la destination. »
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Merci à Biscottes littéraires pour cette réflexion. Il est triste en effet de constater que la répétition des tragédies que constituent ces naufrages en mer , n’émousse pas l’ardeur des africains à chercher un mieux-être de l’autre coté de la méditerranée.
Que font les gouvernants africains pour maintenir leurs citoyens sur leur sol?
Parfois, on a l’impression que le quota de morts dans le ventre de l’atlantique pour les sortir de leur silence assourdissant n’est pas encore atteint.
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Beau compte rendu. De Fatou Diome avec « Le ventre de l’Atlantique » à Jean-Baptiste Sourou in Chronique d’un été glacial: pour que la méditerranée cesse d’être le cimetière des africains », en passant par Néhémy Pierre-DAHOMEY in « Rapatriés » une même tragédie est relatée. Au cœur de cette tragédie liée au phénomène de l’immigration, le sort du Noir qui ne pense s’accomplir que le sol européen ou américain. Les naufrages ne découragent personne. Lampedusa est déjà un vieux souvenir. Ceuta n’effraie plus les candidats à l’immigration qui empruntent les moyens aussi délicats que ceux dont il est question dans « Rapatriés ». Loin de blâmer les migrants, nous devrions peut-être nous demander ce que la patrie mère offre de meilleur à ses fils afin de les retenir sur son sol. La finale du résumé de Yémissi FADE est assez émouvante, flippante même : « Des efforts furent déployés pour l’empêcher de partir pour toujours vers l’inconnu, mais une chose est certaine, ce voyage, le dernier ne fut pas avorté et cette fois, elle seule connaît la destination. »
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Beau compte rendu. De Fatou Diome avec « Le ventre de l’Atlantique » à Jean-Baptiste Sourou in Chronique d’un été glacial: pour que la méditerranée cesse d’être le cimetière des africains », en passant par Néhémy Pierre-DAHOMEY in « Rapatriés » une même tragédie est relatée. Au cœur de cette tragédie liée au phénomène de l’immigration, le sort du Noir qui ne pense s’accomplir que le sol européen ou américain. Les naufrages ne découragent personne. Lampedusa est déjà un vieux souvenir. Ceuta n’effraie plus les candidats à l’immigration qui empruntent les moyens aussi délicats que ceux dont il est question dans « Rapatriés ». Loin de blâmer les migrants, nous devrions peut-être nous demander ce que la patrie mère offre de meilleur à ses fils afin de les retenir sur son sol. La finale du résumé de Yémissi FADE est assez émouvante, flippante même : « Des efforts furent déployés pour l’empêcher de partir pour toujours vers l’inconnu, mais une chose est certaine, ce voyage, le dernier ne fut pas avorté et cette fois, elle seule connaît la destination. »
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