Daté Atavito Barnabé-Akayi – « Les escaliers de caresses » ou la poésie du plus que désir.

Daté Atavito Barnabé-Akayi – « Les escaliers de caresses » ou la poésie du plus que désir.

« Les escaliers de caresses »  de Daté Atavito Barnabé-Akayi  : lu pour  » Saveurs livresques  »  par Djamile Mama Gao  :  « la poésie du plus que désir « .


Il semble avoir choisi le langage des brisures. Et en ce sens, apparemment, la seule évidence pour lui, c’est qu’en écriture, il n’y a point d’évidence. D’ailleurs, ses œuvres poétiques le prétendent amplement. De Noire comme la rosée, Plumes Soleil, Cotonou, 2011 ; à Tristesse ma maîtresse, Plumes Soleil, Cotonou, 2011 ; en passant par Solitude mon S, Plumes Soleil, Cotonou, 2012 ; jusqu’à Tes lèvres où j’ai passé la nuit. Imonlè 158, Plumes Soleil, Cotonou, 2014 ; on perçoit un renouvellement perpétuel, une permanente déconstruction des coutumes du genre, une transgression assumée de la typographie poétique, une élaboration phrastique propre.

Et c’est ce caractère-là, cette singularité d’agir, de paraître, de distribuer, de cibler, de mettre à disposition, qui se dégage dans sa démarche restrictive autour de son recueil de poèmes « Les escaliers de caresses »,, Plumes Soleil, Cotonou, 2016.La preuve : ce recueil n’a été tiré qu’à seulement 25 exemplaires environs, pour 25 destinataires préalablement identifiés, dont les noms figuraient déjà, depuis le travail éditorial en lettres d’encres tapuscrits à l’intérieur de l’ouvrage édité. Surprenant n’est-ce pas ? Pourtant c’est cela du Daté : cette manière d’être, de penser, de faire, d’écrire, qui surprend, qui étonne, qui donne à s’interroger, mais qui évidemment attise la curiosité.

Et comme c’est d’elle, que je nourris mon goût à la vie, et à la lecture, j’ai fait en sorte de lire ce recueil si celé, et il me plait de partager avec qui veut le lire, ce qu’il m’a semblé percevoir en tournant les pages de celui qu’il conviendrait d’appeler pour ma part « L’Insatisfait satisfaisant ». Immersion donc !

 « Les escaliers de caresses »,, comme une remontée intensive qui ne cesse de faire refluer le désir par marées saccadées, ou flots accentués.

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« Les escaliers de caresses », ode du corps à la mémoire de la pensée du monde, et de soi ; résolument portée par l’artisanat de l’écriture, puis par l’exigence poétique volontairement performée dans l’endurance de la forme et du fond.

C’est déjà en cela que Daté Atavito se fait original, tant par le mouvement de sa langue poétique, que par son érudition dans le choix des mots, des formulations. Ainsi, d’emblée, pour moi, « Les escaliers de caresses », c’est avant tout, un recueil pointilleux et inventif.

Tant de choses y sont : anadiploses, figures de styles variantes et variées, jeux de sens, de sons, de mots, de rythmes, calembours, intertextualités, interférences de toute sorte entre réalités et subversions.

Daté Atavito-Barnabé Akayi a une écriture qui intrigue, et met en œuvre le théâtre (désastre ?) des Mondes. Certaines tensions lugubres m’ont fait me rappeler Yekta(1979), dans son « L’île des morts », entre désœuvrement et sarcasmes.

En effet, me semble-t-il, l’érotisme chez Daté est un motif allégué, pour traiter de tourments (sujets) aussi tourmentants et tourmentés, que les drames qui maculent primordialement le quotidien de son pays vital (quoique pas natal), puis par extension des pays d’ailleurs (africains ou non).

Le trompe-l’œil du désir, comme je l’ai baptisé. Ici le corps se meut et se mue à chaque fois. Il devient de ce fait une surface mouvante, qui met en scène le plus que charnel, les douleurs violentes d’un intérieur profond (comme par sadomasochisme ?), de sorte que la matière organique comme orgasmique soit mise à nue…

La chair devient de fait, lieu de possessions de l’envie, de la vie, de l’avenir, et de l’évanescence. Et le corps matérialisé mot à maux, n’est que matière malléable, pénétrée ou infiltrée du langage explicitement luxurieux, pour assumer le compromis entre réalités si éprouvantes et désirs si (r)éprouvés.

Quoiqu’il en soit, sa poésie se refusant à être primordialement intuitive, se veut davantage plus cérébrale, comme pour signifier que la pratique poétique est essentiellement faite de réflexions primales. Approche, qu’il défend, et manie jusqu’au bout, explorant les moindres obsessions, les moindres sensations, les moindres souvenirs, les moindres émotions, suscitées par les moindres pulsions d’excitations ressenties face aux différentes choses qui le poussent à l’écriture.

Alors, à moins de me tromper, la poésie chez Daté, est faite de labeur, de travail sur soi, de technicité scripturale, d’entrechoquements des subtilités, et de recherche permanente.

Cela dit, dans« Les escaliers de caresses », contrairement aux autres livres du poète, que j’ai aimé lire ; il m’a semblé qu’un ton de légèreté (voulue ou non), s’est rajouté au style ; au point de rendre un peu plus spontanée cette poésie à priori, construite essentiellement autour d’interventions de la raison et du raisonnement.

D’ailleurs, c’est cette petite légèreté, qui m’a donné instinctivement, envie, de dire, de vive voix, des extraits du livre, sans me soucier du risque de me faire ralentir par la disposition des vers.

Et même quand, l’intertextualité du poète, quitte les références strictement littéraires, et va jusqu’à la transgression de la réalité humaine et/ou relationnelle du poète dans sa vie d’humain ; la légèreté insiste…

Après donc son roman« Errance chenille de mon cœur », Daté, continue sa démarche de transgression de la réalité et intègre directement dans sa poésie(en dehors des dédicataires), des noms de poètes qu’il connaît, côtoie, ou lit.

Constantin Amoussou, Jean-Paul Tooh-Tooh, Habib Dakpogan, Esther Doko, et d’autres poètes du réel, qui sont nommés à l’intérieur des vers sans rompre leur discontinuité ; deviennent des silhouettes transparentes qui surgissent pour participer au mouvement des faits, des situations, des actes énoncés.

Ainsi, en plus des différentes toponymies présentes dans son écriture comme référencement à la réalité africaine ou béninoise, l’enracinement selon Daté Atavito Barnabé-Akayi, mêle également des poètes contemporains.

En cela, il faut lire la poésie de Daté avec une connaissance primordiale ou développée, des réalités environnantes, politiques, sociales, historiques, littéraires ou scientifiques du continent, et du monde. Elles servent de guide, sur les marches du plus que désir, et dans une certaine compréhension de ses écrits. De sorte à mieux appréhender les non-dits de ces poèmes-libertaires à la liberté à double-touchant (tranchant ?).


© Djamile Mama Gao

Ecrivain, Journaliste Culturel, Slameur.

 

2 réflexions sur “Daté Atavito Barnabé-Akayi – « Les escaliers de caresses » ou la poésie du plus que désir.

  1. Waaaooh ! Un article sur un pan de la poésie de Daté Akayi ?!? Bravo Djamil ! Cette lecture n’est pas ce qu’on met sur le feu pour demander à un enfant d’enlever ,certes.
    Mais dis-nous,combien sont-ils « les escaliers de caresses »?

    Aimé par 1 personne

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