Son théâtre, publié à partir de 2010, aurait pu être considéré comme élitiste, probablement en raison de sa stylistique poétique et résolument symbolique.Pourtant,son écriture, était déjà, encline à prendre en compte la société qui l’entoure et les problématiques liées à l’utilité sociale du théâtre.D’autant qu’elle était fortement imprégnée d’une puissante représentation sociale et d’une dimension civique portée par un double discours critique et projectif.
Et c’est justement, ce qui semble également se dégager de Le Chroniqueur du PR, dans lequel, par l’entremise d’une mise en symbole et une allégorie de la préoccupation politique, Daté Atavito Barnabé-Akayi, donne à lire une démarche de questionnement des relations entre populations, journalistes et politiciens.
Un trialogue sous-entendu, placé sous le signe de l’analyse, de la psychose et de l’introspection.
Qu’espère le dramaturge : Correction ou régénération ?Son œuvre, n’y répond pas. Par contre, elle conte l’utopie. Ou tout au moins, l’espérance. En tout cas, quelque chose d’assez ultime pour conduire le lecteur à objectivement, et obstinément, prendre conscience de sa participation passive, à la déliquescence de ce que chacun de nous critique pourtant, avec fixation, avec véhémence, déniant par procuration notre part d’implication.
Jusqu’à la dernière syllabe, jusqu’à la dernière résonance, l’inculpation prend le pas sur la compensation.
Dans chacun des actes de la pièce, la vérité est prégnante, résistante, défiante, abusive, sans détour, sans ménagement, exposée, racontée, informée, renseignée, dite,sans le filtre d’une langue de bois, ni la retenue du formulé.
L’œil qui descend dans les abîmes des agissements évoqués, se heurte à ce rocheux, cette trahison pesante de l’amitié, de la conscience professionnelle, de la liberté de s’engager, du devoir d’impartialité, de la possibilité de prise de position. En même temps, que l’auteur laisse suspecter tout ce qui peut être suspect (ou susceptible d’être suspecté ?) dans le cercle politique et les enjeux de la vie ou de la logique de ce monde-là, sans cependant suspendre l’appel à un imaginaire qui retrancherait à la prise de parole des personnages ; cette autonomie d’exagération ou cette latitude à dévoiler les codes dits secrets.
Ainsi, Daté tente de se tenir au plus près des choses, tout en se refusant la contrainte de ne pouvoir s’y dérober. Il ne cherche donc pas à les figer, à les cloner, mais à nous pousser à fixer le plus près possible ; cette part d’inconnu, qui n’est rien d’autre qu’un espace à l’intérieur duquel, nous jouons déjà un rôle, quand bien même, nous pensons être en dehors.
Le dit système, dont nous nous offusquons, souvent présenté comme une nébuleuse indistincte, lointaine ; serait donc là sous nos yeux, au fond de nous, dans nos répliques, dans nos manières d’agir vis-à-vis de nous-mêmes, de nos devoirs de citoyens ; dans nos tentatives de dédommagements, dans nos revanches plus émotionnelles que cognitives, dans nos raisonnements pour le choix de nos dirigeants, dans nos refus de réagir, dans nos silences, dans notre complicité. C’est dire, qu’en vérité, nous sommes du système. Et s’il semble probable qu’il abuse de nous, c’est parce que nous sommes complices de ses abus.
Et c’est ainsi que se déploie la pensée politico-sociale dans Le Chroniqueur du PR, avec une souplesse esthétique, avec une ironie grisante, des parallèles déconcertants, une dérision mordante, laissant à peine entrapercevoir l’immense frustration, laissant souvent entrevoir l’ignorance désespérante, suspendue aux lèvres de cette masse prise au prisme de sa propre nasse de désinvolture, de fatalisme, d’irresponsabilité, d’inconnaissance.
Voici donc une œuvre, à l’échelle de tous, qui nous entraîne dans un périple sensé nous faire voir une mise en action des contradictions, qui contribuent à ralentir le développement en Afrique et des africains.
Il est significatif qu’une telle pièce investisse telle qu’elle le fait, l’arcane politique, afin d’en décontenancer les mystères et déconstruire l’idée théologique à travers laquelle, le peuple, entend et conçoit son rapport aux dédales de ce milieu. C’est en cela qu’en l’occurrence, le théâtre de Daté Atavito Barnabé-Akayi, me paraît plus subtile dans Le Chroniqueur du PR, par sa démarche de littéralité suffisamment empreinte d’un esthétisme de la justesse, en dehors de toute sophistication stylistique.
Le Chroniqueur du PR s’organise de ce fait, autour de la ténuité de la réflexion. Penser et interroger, mais aussi illustrer.
Il m’apparaît en effet que, le discours du dramaturge, se renouvelant constamment (l’auteur ne cherche ni à s’attarder, ni à insister, mais davantage à ouvrir des brèches, des perspectives de remise en cause) ; l’idée (les idées) évoquée(s)avance (nt) par complémentarité, et suit (suivent)une rhétorique presque scientifique ; ne se contentant, de ce fait, pas que de l’énonciation, ou la dénonciation ; mais aussi à prendre en compte la démarche méthodique, de l’argumentation et de la preuve.
Ainsi, le propos se veut dans Le Chroniqueur du PR, essentiellement analytique, voire idéologique (notamment du point de vue des suggestions identifiées), et quoiqu’une sorte de révolte sourde bruit grandement ; le ton de parole est d’une maîtrise littéralement saisissante, qu’on en omet, les frustrations, les impatiences, les ressentiments, les railleries cinglantes, les contradictions criardes, la tension (surtout dans le second acte)…
On devinera par-là, la voie (entre)prise par Daté : celle de la dialectique. Car elle permet de montrer qu’il est nécessaire de nos jours que, l’écrivain se fasse, moins rhétorique, et plus pragmatique. Afin que les consciences perçoivent au-delà de l’obsession d’une incapacité à s’ingérer dans la réalité politique, et donc, à déjouer, les combines individualistes. Et partant de cela, que la conscience collective, comprenne davantage la symbolique de sa posture en tant que « peuple ». Celle qui consiste à se faire décideur, à sortir du consentement complice, à (ré) agir avec la pleine conviction, qu’en tant que masse, qu’en tant que multitude, le pouvoir leur appartient avant tout. Cette pièce de Daté pour ma part : c’est l’ambition de la prise en charge du soi… par le peuple.
C’est pourquoi, tout en me souvenant de Simone de Beauvoir, je m’émeus en aphorisme, pendant que mes yeux, s’éternisent sur les dernières lignes de Le Chroniqueur du PR: On ne naît pas peuple, on le devient…
Djamile Mama Gao
Ecrivain – Journaliste Culturel – Slameur
«On ne nait pas peuple,on le devient ! » Eh oui !
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