Selon une rumeur colportée par Monsieur Google, le livre dont je m’en vais partager les saveurs avec vous devrait faire le double en volume suivant le projet de son auteur. Et considérer le format et la petitesse de la police des 281 pages que j’ai lues, certains lecteurs au moteur diesel (comme moi) diront : « Quel funeste projet ! ». Mon projet à moi est tout simple : vous présenter Les grandes espérances de Charles Dickens. Avant de vous livrer la fable, je tiens à préciser que l’histoire de Les grandes espérances se passe en l’Angleterre. Et l’Angleterre du XIXè siècle !
La fable
Philip Pirrip qui préfère se faire appeler « Pip » était élevé « à la main » par sa sœur aînée mariée à Joseph Gargery (dit Joe), le seul forgeron du village. Veille Noël, Pip se rend dans le cimetière où reposent ses deux parents et ses cinq petits frères, il est approché par un homme assez étrange qui lui fait promettre, menaces à l’appui, de rapporter des vivres et une lime pour s’ôter des menottes aux pieds (c’était un évadé !). Ce que Pip fait en mettant à contribution les provisions de sa sœur, pour les vivres, et la forge de Joe, pour la lime.
Peu de temps après, Pip est introduit au Manor House. Une vaste demeure, d’aspect lugubre, dont la maîtresse est la riche et vieille Miss Havisham qui a perdu le goût à la vie depuis que son fiancé l’a laissée en plant le jour du mariage. La mission de Pip: divertir la vieille Havisham. Pip retrouve au Manor House Estelle, élevée à coups de fierté, d’orgueil et de bijoux « pour qu’on l’aime » (p.145), qui devient son partenaire de jeu. Pip rendra plusieurs visites à Miss Havisham conformément à sa mission.
Du temps a coulé. Pip a grandi. Miss Havisham le décharge et lui recommande d’entrée en apprentissage à la forge de Joe. Il était dans sa quatrième année d’apprentissage quand Jaggers, un avoué, débarque, un soir, à la forge pour apprendre à Joe que quelqu’un dont l’identité ne peut être révélée destine Pip à de « grandes espérances » (p. 89) et il devra être « élevé comme » un jeune homme qui a de grandes espérances (la belle fortune !).
C’est ainsi que Pip est sorti de la forge et de son village pour Londres où l’attendait son précepteur (Mathieu Pocket) qui devra le « polir » et l’élever au rang des gens de la haute société. Par l’entremise du cabinet de Jaggers, Pip recevait une rente consistante et régulière. Il se familiarise donc aux goûts et aux dépenses que la fortune autorise. A l’occasion d’un voyage au cours duquel il sert de garçon d’escorte à Estelle (selon les arrangements de Miss Havisham), Pip ne peut s’empêcher de remarquer qu’Estelle a muri. Sa beauté aussi. Mais sa fierté et son insolence n’ont rien perdu de leurs piquants.
Pip était dans sa vingt troisième année, quand un inconnu débarqua chez lui, en pleine nuit. L’inconnu se faisait appeler Provis, et lui détaille qu’il est son bienfaiteur caché. Pip reconnait, sans peine, dans les traits du vieil homme le forçat qu’il avait aidé dans le cimetière. Provis lui compte ses aventures : qu’il fut repris après l’épisode du cimetière, déporté en Australie à vie, mais qu’il réussit à s’évader pour l’Amérique où il fit fortune, et qu’il avait choisi investir sa fortune sur lui en souvenir de sa fille qu’il n’a pas vu grandir.
Le retour de Provis (Abel Magwitch de son vrai nom) semble avoir rompu le charme qui liait Pip à sa fortune : lui qui se demandait si la fortune ne le changeait pas déjà, savoir que cette fortune provient d’un fugitif n’a fait qu’accroitre son embarras. Ayant résolu qu’il serait judicieux d’éloigner de Londres son (devenu) « encombrant bienfaiteur », Pip s’apprêtait à exécuter son plan quand Provis est repris par les forces de l’ordre alertées par Compeyson, une vieille et rancunière connaissance à lui.
Grâce aux confidences de Wemmick, le collaborateur de Jaggers, Pip saura qu’Estelle n’était pas la fille de Miss Havisham mais est la fille « perdue de vue » de Provis, et sa mère, toujours en vit, était la gouvernante (Molly) de maître Jaggers. Ce dernier avait défendu, avec succès, la mère d’Estelle dans un « procès perdu d’avance ». Le procès achevé, il arracha la fille à sa mère afin de « dompter » sa future gouvernante de toute nouvelle envie de crime.
Provis est condamné à mort. Il meurt à l’hôpital en attendant l’exécution de la sentence. A présent sans fortune, Pip décide devenir l’associé de son ami Herbet qu’il avait aidé à prospérer dans les négoces quand ses espérances encore intactes. Après onze ans passés en Orient, il revient au village voir Joe. Il apprend qu’Estelle avait perdu son mari, « un composé d’orgueil, d’avarice, de méchanceté et de petitesse », auprès de qui elle menait une vie des plus malheureuses (p. 280). Il décide la revoir et quand il prend sa main dans la sienne, il entrevoit « l’espérance » de ne plus se « séparer d’Estelle » (p. 281).
Les grandes espérances une fresque sociale
Ecrit à la première personne et dans une langue enfantine (presque), Les grandes espérances est un « Bildungsroman », un roman de formation, de construction, puisqu’on suit le personnage principal, petit orphelin, à partir de sept ans jusqu’approximativement à la quarantaine.
Le roman est aussi une critique des mœurs et goûts de la société anglaise du XIXè siècle : le culte de l’argent et l’aridité du cœur à travers le personnage de Miss Havisham auxquelles s’opposent la pauvreté et la bonté du cœur de Joe Gargery ; l’imposture et la flatterie incarnées par le personnage de Pumblechook ; la froideur de Jaggers contre l’affabilité de Wemmick, le goût des lettres avec Wopsle…
Dois-je vous recommander ce livre ? Non. Je vous dis seulement : Savourez-le !
Vous pouvez télécharger gratuitement et légalement Les grandes espérances.
Pelphide Tokpo.