On a vu souvent
Rejaillir le feu
De l’ancien volcan
Qu’on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu’un meilleur avril
Jacques Brel, Ne me quitte pas
Victoire faisait des siennes. Elle en avait déjà marre d’être avec la coqueluche de l’école. Elle m’avait déjà oublié, la routine et la puberté aidant. Il fallait que je me trouve une autre. Une autre qui me fera réfléchir. Oui ! La femme et la fille font cogiter. Mais c’est mal me connaître que de me laisser aller avec la première venue. Je suis trop exigeant. Pour cela, on me traite encore de gonflé. Ce n’est pas grave. Il fallait choisir une qui ne me connût pas assez et qui répondît aux critères : être peu ou prou belle, travailler en classe et aimer la lecture. Rien que cela. Trouver l’idéal n’a pas été la mer à boire. Je t’ai trouvée…
Tu étais en sixième A, et avais au premier semestre 15, 83 de moyenne, deuxième de ta classe. Tu étais sérieuse, aimais la lecture -puisque nous nous étions vus plusieurs fois à la bibliothèque municipale.
Je me souviens de ce soir, comme si c’était aujourd’hui. Et dire que six années sont passés… Sur toi, j’avais porté mon choix. J’avais rédigé une missive que j’ai cachée dans un livre de contes que je t’avais, quelques jours auparavant, emprunté. Je lisais beaucoup, à cette époque. En quatrième, la lecture était ma nourriture. Et Molière seul sait combien j’étais -je le suis toujours-, gourmand.
J’avais donc à prouver que je lisais. Cette missive avait été écrite avec une dose adulte de romance.
Tu sais que je ne suis pas timoré. Mais je n’aime pas les grands et inutiles risques. Je t’avais donc mandée de ne lire le mot, que seule. Personne d’autre ne devait le lire, pas même ton ombre. Pour le surlendemain, je voulais le retour. Le lendemain, tu avais répondu. Favorablement. Tu étais déjà amoureuse, bien avant que je vinsse à toi. Tu me fis cette confidence plus tard. Je ne savais pas que je m’implantais en toi, pour toujours… Des semaines sont passées. Nous vivions à fond notre idylle. Tu voulais me présenter à tes parents. Un samedi, après la catéchèse, tu m’emmenas chez toi, pour me présenter à ton papa, en ami.
-Papa, je te présente Deum, mon ami dont je t’ai parlé, fis-tu.
-Ah Deum ! Inès m’a parlé de toi. Tu dois être en quatrième, hein ?
-Oui, Papa. Je suis également le major de la promotion avec 15,02 de moyenne, pour le premier semestre. Je suis ici chez mon oncle paternel, incontournable menuisier-coffreur, mieux connu dans tout Kandi sous le pseudonyme Tonton Gentil, écrit sur la plaque de sa Mate bleue.
-C’est très bien, mon petit…
Nous étions dans la saison des mangues, période dans laquelle, Fadel peut le témoigner, les filles ne résistent pas aux bons mots des garçons, face à un sac de mangues, mûres comme les seins des jeunes filles Baribas ou ceux de Aïcha, la gonzesse Peuhle de mon quartier. J’avais donc tenu à donner, à celui-là qui aurait pu être mon beau-père, un sac de mangues mûres. Aujourd’hui, je pleure face à tous ces souvenirs. Notre histoire est partie en lambeaux. La haine en a pris le flambeau. Tu as beau t’accrocher, j’ai fini par te laisser. Ton cœur, tu as beau l’armer, j’ai fini par le blesser.
Dans mes yeux noirs, tu voyais clair. Ma vie, aujourd’hui, vacille entre obscurité et lumière. J’ai compris qu’à force de se précipiter, on ne fait les choses qu’à moitié. Pour cela, j’ai laissé l’amour m’inspirer. Je voulais tant polir ton cœur en diamant, sans pour autant faire semblant. Mais c’est lui que j’ai laissé sans vie ; je l’ai fait saigner jusqu’à l’agonie. C’est parce qu’elle est un combat, que la vie a un goût. Et ce n’est pas avec des larmes que tu éteindras l’incendie. Par crainte d’être à nouveau abandonnée, tu as mis du temps à aimer. Mais ton cœur, je l’ai percé. Parce que tu étais aveuglée par l’amour, j’ai voilé ton cœur. Ne crois-tu plus en moi ? Je ne crois plus en rien. Parfois, je me sens seul et triste d’avoir fait place dans ton cœur de glace. Et quand je regarde dans le miroir, il n’y a que tes larmes que je peux y voir. Une chorale de sanglots chantonne alors mes afflictions et fredonne mes désolations car tu es blessée et ton silence en dit long. Mais ce qui est cassé, nous pouvons le réparer, non ? Alors, si tu veux un nouveau départ dans les règles de l’art et loin de la sentimentale géhenne que sont la peine et les haines, viens, je t’emmène.
Fin.
Maurice Godwin Koutchika
Bonsoir cher Maurice !
Tout d’abord, je tiens à te remercier beaucoup. Je remercie aussi toutes Saveurs Livresques pour toujours.. J’avoue que je suis dominé.
Une chose retient mon attention: Au delà de l’originalité et de la clarté de l’écriture, l’auteur a su projeter son lecteur dans les profondeurs de l’amour. En sus, le lecteur voit et vit toutes les images que peut lui imposer sa conscience durant sa lecture. Toutefois, il se sent renvoyé. Oui. L’auteur renvoie son lecteur ou plutôt crée en lui une vive curiosité. Celle de chercher à connaître ce « Fadel » dont lui parle le texte..
Je pense que c’est important. Le lecteur attend qu’on lui parle de ce dernier, le lui fasse découvrir. Cela pourrait lui guérir l’âme et lui rendre plus claire et plus attrayante sa lecture..
Si je dois augmenter quelques mots, je dirais tout simplement que l’auteur est très bien lisible et témoigne de sobriété.
Merci
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Merci cher Fadel ! Des creux de curiosité ont été laissés dans le texte à dessein, pour justement, aiguiser la curiosité du lecteur et éprouver son imagination quant à certains passages du texte.
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Et concernant la sobriété, il faut dire que je n’ai pas un vocabulaire aussi riche que le vôtre 😝😎
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Très beau texte agrémenté de poésie 🙂
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Merci, mon cher.
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Texte rendu dans un style relaxe. Émotions garanties. Mais je suis resté sur ma faim, du point de vue de l’intrigue. Ce serait intéressant que l’auteur révèle au lecteur ce qui s’est passé entre les ex-amants, si je peux les appeler ainsi. Autrement, moi lecteur, je ne sais quoi retenir du récit suspendu à la phase de l’horizon d’attente. Ce n’est que mon avis.
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Merci, cher ainé, d’être passé lire le texte.
Des creux ont été laissés dans le texte à dessein, en vue d’aiguiser la curiosité du lecteur quant à l’éventuelle raison de la « rupture » des amants. Mais je me rends compte à présent que cela est un peu gênant.
J’aviserai…
Un fois encore, merci.
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