Le jour où le gouvernement béninois décidera de supprimer la série A, pardonnez-moi si je soutenais la mesure ! J’aurais eu de bonnes raisons. Le rapport des élèves des séries littéraires à la lecture et aux livres est – de par mon expérience- l’un des plus mauvais et des plus regrettables qui soient !
Je me fonde sur mon expérience d’acteur du livre. Et en attendant des statistiques qui me contrediront, je veux publier ici ma triste découverte : les élèves des séries littéraires ne lisent pas.
Comment devient –on littéraires ?
On aurait aimé que le premier critère qui décide les élèves à s’inscrire en littérature fût la passion ! Que nenni !
Dans le cadre de mon travail, j’ai l’immense chance de rencontrer des centaines d’élèves toutes séries confondues. Titulaire d’un BAC A1, fan de la première heure des livres, je prends le temps de discuter spécifiquement avec les élèves de la A.
La première question que je leur pose avec un sourire fraternel est « pourquoi êtes-vous en série littéraire ? ».
Dans la plupart des cas, la réponse tombe comme une fatalité : je suis faible en mathématiques ».
Ne comptez surtout pas sur moi pour les juger ! Qui mieux que moi pourrait les comprendre, moi qui avait des mathématiques une si grande frayeur ?
Ainsi l’année où j’allais au BAC, ma plus grande prière fut : « Veuille Seigneur que j’aie au moins 01 en maths ».
J’ai dit que je comprenais la désaffection des élèves pour les matières scientifiques mais je n’ai jamais estimé que cela justifie une inscription en série littéraire !
Les élèves s’inscrivent en série littéraires plus par contrainte que par passion.
Je reformule : c’est le besoin d’obtenir malgré tout un baccalauréat – dans un pays qui ne jure que par l’épaisseur des CV- qui pousse les apprenants inaptes à faire une série scientifique, à s’inscrire dans les séries littéraires. Ces séries étant jugées plus faciles, voire trop faciles.
Ainsi, je connais beaucoup de candidats au BAC qui, après plusieurs échecs en C ou en D deviennent littéraires par défaut, sans aucune vocation préalable.
La série A est donc considérée comme un fourre-tout, un vide grenier, la série facile dans laquelle toute personne qui tient à avoir le BAC peut s’en tirer.
Prendre conscience
Une fois inscrits de force en A, ces littéraires par défaut ne font rien pour mériter la série dans laquelle ils sont inscrits.
C’est ainsi que l’on remarque des élèves de série A qui fuient les centres de documentation, comme s’il s’agissait d’endroits pestiférés. Ils n’ont jamais le temps pour lire et se font rares dans les clubs de lecture.
Qui voyage en terre littéraire doit beaucoup lire.
Un élève de la A qui ne lit pas, à quoi puis-je le comparer ? Il est semblable à un apprenti meunier, allergique à la farine !
Il est comme celui qui entame une traversée du désert sans prendre de quoi s’abreuver.
En effet, les filières universitaires pour un titulaire du fameux bac A sont plus limités que dans d’autres.
Les formations tournent généralement autour de la littérature, des sciences sociales, l’étude des langues, de la communication, de la culture. Toutes filières auxquelles peuvent prétendre des élèves de séries scientifiques.
Lire, beaucoup lire pour faire la différence.
Je crois que la différence se fait au niveau du bagage intellectuel, de la soif, de la rage de savoir.
Je ne laisserais personne dire que faire la A, c’est rater ses études. Et pour cela, il serait de bonne augure, que les élèves inscrits en A, prennent leur série au sérieux autant que le font les ceux des séries scientifiques ; participant aux TD et connaissant leur théorèmes et propriétés sur le bout du stylo.
A-t-on jamais vu un candidat au BAC C ignorer les logarithmes ? Or il est des candidats au BAC A qui ne connaissent pas les classiques de la littérature, pire lisent à peine des œuvres littéraires inscrites au programme scolaire.
J’anime depuis des années un club de lecture. Et savez-vous quoi ? Les membres les plus actifs sont les élèves des séries scientifiques !
Un élève qui ne lit pas deviendra un professeur de français qui ne transmet pas la passion de la lecture.
Situer les responsabilités
Car il faut bien expliquer le phénomène. Pourquoi les élèves de la A ne lisent pas ?
- Inexistence de bibliothèques scolaires
Rares sont les écoles qui disposent d’une documentation de qualité accessible aux élèves. Les élèves des séries littéraires souffrent donc comme tous les autres de ce vide livresque. (Je consacrerai un article spécial sur sujet avec un appel à action).
- Responsabilité des parents
Les parents d’élèves suivent et accompagnent leurs enfants dans leurs cursus scolaire. Pour que l’enfant réussisse, il faut lui donner les moyens. Peut-être est-il plus profitable d’offrir à son enfant de la A, des livres à l’occasion de son anniversaire plutôt que le dernier I phone. Il a plus intérêt à dévorer des livre qu’à croquer dans la pomme…
Que nul ne reste en A s’il n’est accro aux livres.
L’Homme ne vit pas que de sciences. Les séries littéraires sont très importantes et seront maintenues.
Afin d’être outillés pour les études scolaires, les élèves des séries littéraires doivent développer une véritable passion pour la lecture. Car je pense sincèrement que c’est grâce à leur bagage intellectuel, à leur culture générale, qu’ils feront la différence.
Les parents, le système éducatif doivent les y aider. Pour qu’être en A ne soit plus une solution de la dernière chance mais une véritable opportunité d’avoir une vie professionnelle bien remplie.
Et vous, pensez-vous comme moi que les élèves de série A doivent être plus attachés à la lecture et au livre, que les autres élèves ?
Eurydoce Désiré GODONOU
Spécialiste de l’information documentaire.